mercredi 13 décembre 2017

Thèse de Guy 10


Calvin

Dans son académie de Genève, Calvin considérait la nécessité d’avoir des formateurs tant pour l’Ancien que pour le Nouveau Testament, faisant d’abord penser que cet ordre ne concernait que la formation des pasteurs. Mais il écrit ensuite:

Mais comme il n’est possible de profiter de tels cours que si l’on a d’abord été instruit dans les langues et les humanités, et parce qu’il est aussi nécessaire d’éduquer la descendance pour les temps à venir, afin de ne pas laisser l’Église désertée pour nos enfants, un collège devrait être fondé pour instruire les enfants, pour les préparer pour le ministère aussi bien que pour le gouvernement civil.[1]

A Genève, Calvin a encouragé un système d’éducation qui fonctionnait comme une coopérative entre le gouvernement civil, l’Église et la famille. Le gouvernement civil a rendu l’école obligatoire et mis à disposition des bâtiments et des ressources à ses frais. L’Église a fortement influencé le programme, et les parents soutenaient les écoles et leurs enfants.

Les réformes éducatives de Calvin à Genève comprenaient l’établissement de l’un des premiers systèmes d’éducation publique gratuits et obligatoires. Par la suite, il a ouvert un collège pour l’éducation supérieure dans lequel les jeunes hommes se préparaient au service dans le ministère et le gouvernement civil.[2]

La philosophie d’éducation de Calvin était très anti-autoritariste et exhortait les enseignants à ne pas s’asseoir au-dessus de leurs étudiants et à simplement discourir, mais à marcher au milieu d’eux et avec eux, comme des compagnons. Calvin insistait sur le fait que les enseignants évitent la dureté parce qu’elle intimidait les étudiants et les empêchait d’accomplir leur potentiel éducatif dans un environnement d’arts libéraux. L’objectif de l’enseignant devait être d’encourager, pas de décourager.[3]

Calvin a été appelé le «père de l’éducation populaire et l’inventeur des écoles libres.»[4]

Ronald Hanko explique que

Ces hommes s’accordaient en grande mesure sur les principes de base de l’éducation chrétienne. Non seulement ces principes les guidaient et les motivaient dans leur travail, mais ils restent encore les principes fondamentaux de l’éducation chrétienne jusqu’à nos jours. Ceci pour dire que, bien sûr, ces principes étaient bibliques.[5]

Je mentionne particulièrement trois de ces principes:

1.      Tous les réformateurs insistaient sur le fait que l’éducation des enfants doit être une éducation religieuse. Luther disait:
Je ne recommanderais à personne d’envoyer son enfant là où les Saintes Écritures ne sont pas suprêmes… Je crains grandement que les universités, à moins qu’elles n’enseignent les Saintes Écritures avec diligence et qu’elles ne les impriment dans les cœurs des jeunes étudiants, ne soient que de larges portes pour l’enfer.[6]

2.      Les réformateurs croyaient en l’éducation de «l’homme chrétien», c’est-à-dire en une éducation large des arts libéraux qui formerait chaque croyant pour sa place dans l’Église et dans la société, comme une personne capable de connaître Dieu et de le glorifier quel que soit son appel. Ils croyaient en une éducation qui n’était ni simplement catéchétique, ni uniquement vocationnelle. Riemer Faber dit de Luther:
Il était convaincu que la connaissance des arts libéraux – histoire, langues, etc. – offrait le meilleur contexte pour l’étude des Écritures. Non seulement les ministres, théologiens, enseignants et érudits éduqués de cette manière pouvaient-ils servir l’Église au mieux, mais tous les croyants en tant que membres du corps de Christ connaîtraient mieux Dieu et son œuvre dans le monde par le moyen d’un tel apprentissage.[7]

3.      La Réforme voyait le bien-être de l’Église et la vie sanctifiée du peuple de Dieu, qui fait partie de leur salut, comme l’objectif principal de l’éducation. Elle ne cherchait pas l’établissement d’une société chrétienne, ou même des changements fondamentaux dans la société comme but de l’éducation, bien que la plupart d’entre eux croyaient que l’état civil aussi bien que l’Église serait servi par l’éducation.[8] Pourtant, Tom Bloomer de l’Université des nations souligne que la Réforme française était différente des Réformes allemandes et anglaises. A Genève, rien ne fonctionnait, les familles étaient brisées… Ainsi les autorités ont-elles demandé à Calvin de les enseigner comment appliquer les valeurs bibliques dans la société et cela a amené une profonde transformation. Calvin n’a pas établi une théocratie. Pour lui, le rôle de l’Église était double: enseigner les principes de la Parole aux autres sphères et les tenir redevables.[9]

Luther a particulièrement souligné le grand objectif de l’éducation, et ce qu’il a dit devrait vraiment être ré-entendu aujourd’hui.  

Quand les écoles prospèrent, les choses vont bien et l’Église est en sécurité. Suscitons davantage de docteurs et de maîtres. La jeunesse est la nurserie et la fontaine de l’église. Quand nous sommes morts, où sont les autres (pour prendre notre place) s’il n’y a pas d’écoles. Elles sont les préservatrices de l’église.[10]

L’historien Bernard Grosperrin écrit: «Ces écoles constituaient certainement une arme puissante pour la foi et l’éducation morale, et elles ont assuré pendant longtemps et bien au-delà de l’Ancien Régime une imprégnation chrétienne dans la société française que le catéchisme paroissial, les sermons et les missions ont certainement fortifiée; mais les écoles en constituaient vraiment l’instrument le plus efficace.»[11] La volonté d’éduquer, reliée au 16ème siècle à l’idée que l’éducation devrait être accessible à tous, avait un objectif principal: non seulement informer, mais former les chrétiens avec un fondement unique, la Bible. Luther, par exemple, écrit «aux conseillers de toutes les villes en Allemagne pour les exhorter à ouvrir et à maintenir des écoles.» Pour lui, l’église ne peut subsister que par les écoles. Calvin lui-même a déclaré que «les églises feront tous leurs efforts pour bâtir des écoles et pour s’assurer que la jeunesse soit éduquée.»[12]


[1]. Duncan S. Ferguson et William J. Weston, éd, Called to Teach: The Vocation of the Presbyterian Educator (Louisville, KY: Geneva Press, 2003), p. 49.
[2]. Joseph James Chambliss, éd., Philosophy of Education: An Encyclopedia (New York, NY: Routledge, 1996), p. 64.
[3]. Joseph James Chambliss, éd., Philosophy of Education, p. 64.
[4]. Philipp Schaff, History of the Christian Church, Volume VIII: Modern Christianity. The Swiss Reformation (Grand Rapids, MI: Christian Classics Ethereal Library, original, 1881. Basé sur la version de 1910, ceci étant l’édition électronique de 2002).
[5]. Ronald Hanko, «Christian Education: A Reformation Heritage,» Lynden Protestant Reformed Church, consulté le 14 novembre 2014, http://www.lyndenprc.org/jm/PDF/The%20Reformation%20&%20 Education.pdf.
[6]. Martin Luther, «To the Christian Nobility of the German Nation Concerning the Reform of the Christian Estate,» in Luther’s Works, éds. Jaroslav Pelikan et Helmut Lehmann (St. Louis, MO: Concordia Publishing House, 1955-1986), 44:207.
[7]. Riemer Faber, «Martin Luther on Reformed Education,» dans Clarion, Vol. 47, No. 16 (1998), 5. Peut être trouvé sous http://www.spindleworks.com/library/rfaber/luther_edu.htm (consulté le 14 novembre 2014).
[8]. Hanko, «Christian Education: A Reformation Heritage.»
[9]. Tom Bloomer, Master exécutif en leadership, Université des nations, notes prises par l’auteur, San Antonio del Mar, Octobre 2014.
[10]. Martin Luther, Table Talk, 5557, éd. Theodore Tappert, dans Works of Martin Luther, Vol. 54 (Philadelphia, PA: Muhlenberg Press, 1943), p. 452.
[11]. Bernard Grosperrin, Les petites écoles sous l’Ancien Régime (Rennes, France: Editions Ouest-France, 1984).
[12]. Luc Bussière dans La muraille: Revue protestante évangélique, mars-avril 1982.

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